Selon l’avocate générale près la CJUE, Laila Medina, le refus opposé par Google de fournir aux tiers un accès à la plateforme Android Auto peut constituer une infraction aux règles de la concurrence.
En 2015, Google a lancé Android Auto, une application pour appareils mobiles équipés d’un système d’exploitation Android qui permet aux utilisateurs d’accéder à certaines applications sur leur smartphone en passant par l’écran intégré d’une voiture. Des développeurs tiers peuvent créer des versions de leurs propres applications qui sont compatibles avec Android Auto en ayant recours à des templates fournis par Google.
En septembre 2018, une société a demandé à Google de rendre son application JuicePass compatible avec Android Auto. Google a refusé de le faire, en déclarant que, dans la mesure où il n’existait pas de template spécifique, les applications de médias et de messagerie étaient les seules applications de tierce partie compatibles avec Android Auto. Google justifiait son refus par des préoccupations de sécurité et par la nécessité d’allouer les ressources nécessaires pour la création d’un nouveau template.
L’autorité de la concurrence italienne a jugé que le comportement de Google constituait une infraction aux règles de la concurrence de l’Union. Elle a considéré que, en entravant et en retardant la publication de l’application JuicePass sur Android Auto, Google avait abusé de sa position dominante. Google a contesté cette décision.
Dans ses conclusions du 5 septembre 2024 (affaire C-233/23), l’avocate générale près la Cour de justice de l'Union européenne, Laila Medina, conclut que la jurisprudence traditionnelle applicable aux refus d’accès opposés par une entreprise dominante, à savoir les conditions Bronner, ne s’appliquent pas lorsque la plateforme à laquelle un accès est demandé n’a pas été développée par l’entreprise dominante à son usage exclusif, mais a été conçue et pensée pour être nourrie par des applications développées par des opérateurs tiers.
Dans une telle situation, il n’est pas nécessaire de démontrer le caractère indispensable de cette plateforme pour le marché voisin.
En revanche, une entreprise abuse de sa position dominante si elle adopte un comportement consistant à exclure, entraver ou retarder l’accès à la plateforme par l’application développée par un opérateur tiers, pour autant que ce comportement soit susceptible de produire des effets anticoncurrentiels au détriment des consommateurs et qu’il ne soit pas objectivement justifié.
Un refus opposé par une entreprise dominante de donner accès à une plateforme telle que celle en cause en l’espèce à un opérateur tiers peut être objectivement justifié lorsque l’accès demandé est techniquement impossible, qu’il pourrait affecter, d’un point de vue technique, la performance de la plateforme ou qu’il va à l’encontre de son modèle ou de sa finalité économique.
Cependant, le simple fait que, pour accorder l’accès à cette plateforme, l’entreprise dominante devrait non seulement donner son accord, mais également développer un modèle logiciel prenant en compte les besoins spécifiques de l’opérateur qui demande l’accès ne saurait en soi justifier un refus d’accès, pour autant qu’un délai approprié soit accordé pour ce développement et que celui-ci fasse l’objet d’une rémunération appropriée en faveur de l’entreprise dominante. Les deux éléments doivent être communiqués par l’entreprise dominante à l’opérateur qui demande l’accès, lors de cette demande.
Les règles de la concurrence de l’Union n’imposent pas de manière automatique une obligation de définir des critères objectifs pour examiner les demandes d’accès à une plateforme. Ce n’est que lorsqu’il s’agit de plusieurs demandes formées simultanément que l’absence d’un de ces critères pourrait être un élément à prendre en considération afin d’apprécier le caractère abusif du comportement reproché à l’entreprise dominante quand il aboutit à une situation de retard excessif dans l’octroi de l’accès ou à un traitement discriminatoire entre les demandeurs d’accès concurrents.